Préparer l’évaluation et guider l’apprentissage Quelques considérations générales • Étymologie : faire ressortir la valeur, le positif • Est d’abord et avant tout une prise de conscience autonome • … pour l’autorégulation • Donc, devrait d’abord et avant tout être au service de l’apprentissage et de l’autonomie • Doit être « aligné » avec les objectifs d’apprentissage ou les compétences visées Trois fonctions de l’évaluation • Formative o Soutenir les apprentissages o Réguler l’apprentissage et l’enseignement • Sommative o Reconnaître officiellement les apprentissages o Certifier • Pronostique o Orienter l’avenir de la formation d’une personne o Sélectionner, orienter La finalité générale de toute forme d’évaluation est de réguler les processus de formation (Allal, 2008) La différence entre l’évaluation sommative-pronostique et l’évaluation formative : 1. Réguler les conditions d’apprentissage, c’est-à-dire varier les méthodes d’enseignement- apprentissage, encadrer efficacement l’étudiant, offrir des rétroactions, etc. « La régulation apportée par l’évaluation formative consiste en l’adaptation des activités d’enseignement et d’apprentissage afin de favoriser la progression des élèves vers les objectifs de formation. » (Allal, 2007, p. 141) L’évaluation formative • « Vise l’adaptation des activités d’enseignement et d’apprentissage afin de favoriser la progression des apprenants vers les objectifs de formation. » (Allal, 2008) • Généralement non chiffrée ou cotée • Permet de suivre l’évolution des étudiants au fil de leurs apprentissages • S’effectue rapidement • Correction collective ou en sous-groupe L’évaluation sommative • Ou certificative • « La fonction sommative de l’évaluation est présente lorsqu’on établit un bilan certifiant les compétences et les connaissances acquises par l’apprenant à la fin d’une étape intermédiaire (ex., semestre) ou d’une étape finale (ex., année, cycle pluriannuel) d’un cursus de formation. » (Allal, 2008) • Doit être critériée • Chiffrée ou cotée • Enregistrée dans un document officiel (Allal, 2007) • Communiquée à des interlocuteurs autres que l’étudiant et l’enseignant (Allal, 2007) • Jugement porté à partir d’éléments observables (critères et indicateurs) L’évaluation en situation authentique • « Prône le recours à des moyens d’évaluation qui s’apparentent à la réalité » (Prégent et al., 2009, p. 138) • Caractéristiques : o Réaliste o Tâches complexes o Favorise le jugement et l’innovation o Nécessite une production o Simule le contexte et les conditions de travail o Nécessite des rétroactions (en mode formatif ou à des étapes du mode sommatif) • Surtout en contexte d’approche par compétences ou d’approche-programme. • L’évaluation en situation authentique peut se faire en contexte d’évaluation formative et en contexte d’évaluation sommative. Ce qui signifie que les travaux et examens pourront se faire sous la forme d’une évaluation authentique. Étapes du processus d’évaluation Inspiré de Durand, 2008; Prégent et al., 2009; Allal, 2008 RÉTROACTIONS RÉCIPROQUES Planification : globale (plan de cours) et spécifique (pour chaque tâche d’évaluation, dans le détail) Collecte de données : développer ou choisir les tâches et outils d’évaluation et les faire passer. Interprétation : appuyer son interprétation sur des grilles (critères et indicateurs). Jugement et décision : attribution de la note. Communication des résultats : ne pas se contenter de communiquer les résultats, mais faire, entre autres, un retour sur l’évaluation. Évaluation du processus : faire une évaluation du processus et de chacune de ses étapes, avec les étudiants. La rétroaction est au centre pour éviter de la considérer uniquement dans l’étape de la communication des résultats. Les rétroactions doivent être présentes sous la forme d’un dialogue tout au long du processus. Elles proviennent des étudiants et de l’enseignant. Étape PLANIFICATION RÉTROACTIONS RÉCIPROQUES Planification : la planification globale de l’évaluation doit correspondre aux principes de l’alignement constructif : Adapté de Biggs, J. (2006). Enhancing teaching through constructive alignment. Higher Education 32 pp. 347-364. La planification de l’évaluation doit être en cohérence avec la planification des objectifs d’apprentissage et des méthodes d’apprentissage. Dans la planification de l’évaluation, il faut tenir compte de… POUR LA PLANIFICATION GÉNÉRALE : Contexte d’enseignement : place du cours dans le programme, cours optionnel, obligatoire, cours théorique ou pratique, préparation antérieure des étudiants. Contenu du cours : les thèmes abordés, la description du cours, les contenus théoriques et pratiques Objectifs ou compétences à développer : sélectionner ce qui doit faire l’objet d’une évaluation formative, d’une évaluation sommative. Caractéristiques des étudiants : quelle année d’études, quel cycle d’études, quel programme, groupe homogène, groupe hétérogène, etc. Stratégies d’évaluation retenues par le département : carte conceptuelle, rapport de stage, etc. But et moment des activités d’évaluation : formative ou sommative, répartition des activités dans le calendrier POUR LA PLANIFICATION SPÉCIFIQUE : Éléments d’évaluation pour chaque compétence ou objectif à évaluer : tâches, outils ou moyens d’évaluation (portfolio, examen, travail de recherche, etc.) Choix des traces à observer (rapport écrit, présentation orale, autoévaluation, etc.) Critères : voir les exemples. Indicateurs : voir les exemples. Étape COLLECTE DE DONNÉES RÉTROACTIONS RÉCIPROQUES La collecte de données consiste en le choix de la méthode (ou stratégie) d’évaluation et de collecte de données appropriée et en la collecte à proprement parler (faire faire le travail par les étudiants). Les méthodes d’évaluation choisies doivent être variées, valides (elles vérifient ce qu’elles souhaitent vérifier et permettent aux étudiants de démontrer leurs compétences) et fiables (donneraient les mêmes résultats si les informations étaient récoltées par quelqu’un d’autre, à un autre moment) (Durand, 2008, p. 64) L’évaluation formative… quelques façons de collecter des données : Demander aux étudiants de - Compléter une carte conceptuelle - Formuler un exemple pour illustrer le concept présenté - Décrire une situation pratique liée à la théorie présentée - Formuler une question susceptible de se retrouver dans un examen, les pairs y répondent - Résumer en un seul mot une lecture et, dans un 2e temps, expliquer ce mot - Identifier la façon de résoudre un problème posé - Proposer un plan de réponse à une question à long développement Angelo et Cross (1993) Autres exemples : One minute paper : les étudiants répondent à une question posée à la fin d’un cours (à laquelle ils devraient être en mesure de répondre s’ils ont bien compris le cours) sur un bout de papier, de façon anonyme. Le professeur y revient au cours suivant et en profite pour revenir sur ce qui a été bien compris et sur ce qui nécessite davantage d’explication. Mini quizz : oralement, sur papier, par télévoteur, par un logiciel sur internet, etc. L’évaluation sommative… quelques façons de collecter des données : Travaux : Travaux sur le terrain Travaux de recherche Journal de lecture Portfolio Journal de bord Étude de cas, résolution de problèmes Projet Réalisation d’une performance Carte de connaissances Rapport de stage, de laboratoire Examens : Questions vrai ou faux, choix multiples, énoncés à compléter, association, classification Questions à court ou à long développement Questions au choix Examen maison Examen oral ou écrit Concevoir et produire les outils d’évaluation (Prégent et al., 2009) Déterminer la tâche à accomplir par les étudiants, décrire les responsabilités des étudiants, rédiger des consignes de réalisation de la tâche, produire les grilles d’évaluation Étape INTERPRÉTATION RÉTROACTIONS RÉCIPROQUES Interprétation des données récoltées sur l’apprentissage « […] permet de donner un sens aux données recueillies afin de porter un jugement de qualité et de prendre des décisions appropriées » (Durand, 2008, p. 65) Interprétation critériée (et non de comparaison entre étudiants) Enjeu : impliquer l’apprenant dans le processus d’évaluation (Allal, 2007) • Autoévaluation • Coévaluation • Évaluation par les pairs L’enseignant demeure responsable de l’interprétation des résultats de l’apprentissage. Pour interpréter les résultats : une grille de correction Les grilles d’évaluation des travaux sont utiles pour corriger objectivement et donner de la rétroaction aux étudiants. Les étudiants peuvent s’en servir pour s’autoréguler et comprendre la correction de l’enseignant. Reddy et Andrade (2010) répertorient plusieurs études qui disent que les étudiants en perçoivent l’utilité. Il est question ici d’une grille descriptive analytique pour interpréter les données et, par la suite, porter un jugement sur la performance de l’étudiant. Il faut des critères et des indicateurs (éléments observables positifs) de ces critères. Exemples. : Critère : Rigueur dans l’exécution de la tâche de chacune des étapes de la démarche de projet Éléments observables : • Répertorier les sources d’information • Analyser les informations recueillies • Évaluer la qualité et la pertinence de ces sources • Analyser le déroulement de la démarche • Formuler des conclusions claires Critère : cohérence du texte Éléments observables : • Le texte présente des organisateurs textuels • Le texte respecte les règles de la reprise de l’information • Le texte comporte une introduction, un développement et une conclusion N. B. : Le descriptif de la performance à observer devrait être formulé positivement. On évalue ce qui est présent et non ce qui ne l’est pas… Étapes de confection d’une grille : 1. Déterminer la performance attendue par rapport à la tâche à accomplir. 2. Déterminer les critères d’évaluation (qualités, dimensions ou comportements) : • mutuellement exclusifs • clairs • brefs • rédigés dans un langage compréhensible par les étudiants • réfèrent à des éléments observables • ex. : cohérence du texte, pertinence des arguments, qualité de la présentation, etc. 3. Préciser les éléments observables (indicateurs) liés aux critères d’évaluation. 4. Déterminer une échelle d’appréciation (notes, cotes). 5. Pour chaque niveau de l’échelle d’appréciation associé aux critères d’évaluation, rédiger le descriptif de la performance à observer (en utilisant les indicateurs). 6. Pondération du résultat global pour chacun des critères. Étape JUGEMENT ET DÉCISION RÉTROACTIONS RÉCIPROQUES L’étape du jugement et de la décision consiste à mettre un résultat sur une production et sur l’ensemble du trimestre. (Durand et Chouinard, 2006, p. 299-301) L’effet de l’ordre : position de l’élève dans la pile. Solutions : grille descriptive, corriger un critère à la fois. Fatigue et personnalité du correcteur : surcharge de travail. Trop ou pas assez indulgent. Solutions : quelques copies à la fois, pauses, évaluer avec d’autres correcteurs, utiliser des grilles. Attentes et critères émergents : ajout de critères ou modifications de la grille en cours de route. Solution : reprendre toutes les copies. Effet de halo et de contamination : propreté du travail, calligraphie, influence des résultats antérieurs. Solutions : corriger à l’aveugle, évaluer selon des critères. Étape COMMUNICATION RÉTROACTIONS RÉCIPROQUES La remise des notes aux étudiants – scénarios possibles 1. Les notes sont déposées au portail de cours. Les examens ou les travaux sont accessibles sur rendez-vous, en consultation individuelle, pour une période d’environ 15 minutes. L’étudiant dispose de la fiche de correction. 2. Au cours qui suit l’examen, le professeur fait un retour, en grand groupe, sur chaque question d’examen et donne la réponse attendue ou reprend les exigences du travail, les commente à la lumière de ses attentes et de ce qu’il a pu constater lors d’un survol rapide des travaux ou examens. La date de remise des notes n’est pas fixée. 3. Les examens ou les travaux sont remis aux étudiants pour consultation en classe; le professeur fait un retour, en grand groupe, sur les questions qui ont posé problème. Tout étudiant qui désire une révision fait sa demande, par écrit, et la remet au professeur, en en justifiant les motifs. Les copies sont reprises à la fin du cours. 4. Un étudiant anime une discussion libre en classe dans laquelle l’enseignant est participant parmi d’autres. L’important est de maintenir un climat de respect et de soutien à l’apprentissage. Éviter les comparaisons entre les étudiants. Étape ÉVALUATION DU PROCESSUS RÉTROACTIONS RÉCIPROQUES Après tout le processus d’évaluation, il convient de se questionner quant aux outils d’évaluation et d’interprétation des résultats et aux résultats obtenus par les étudiants. La stratégie globale d’évaluation a-t-elle permis d’obtenir un portrait des étudiants par rapport à tous les objectifs ou compétences à évaluer? L’évaluation vérifiait-elle ce qu’elle souhaitait vérifier? La qualité des travaux correspondait-elle à ce qui était anticipé? Les grilles d’évaluation étaient-elles efficaces? Se servir des rétroactions des étudiants pour évaluer le processus d’évaluation et apporter les correctifs nécessaires dans l’avenir. Étapes du processus d’évaluation Inspiré de Durand, 2008; Prégent et al., 2009; Allal, 2008 RÉTROACTIONS RÉCIPROQUES Les rétroactions s’inscrivent dans l’ensemble des étapes du processus d’évaluation et elles ont lieu tout au long du processus et non seulement à l’étape de la communication des résultats. De plus, les rétroactions s’inscrivent dans une perspective de dialogue et de réciprocité. Cela veut dire concrètement que l’enseignant donne des rétroactions, mais toujours en demandant à l’apprenant de donner lui-même des rétroactions sur ce que propose l’enseignant dans le processus d’évaluation. Quand j’ai à donner des rétroactions à mes étudiants… « Feedback is about helping students succeed, not about exercising power over them » Svinicki et McKeachie, 2011, p. 122 Voici quelques pratiques que font les enseignants : Donner les rétroactions pendant la réalisation du travail, dès le début et tout au long. Référer aux consignes liées à la tâche et aux compétences ou objectifs évalués. Éviter d’ajouter des attentes qui n’auraient pas été précisées au préalable. Éviter de considérer que l’étudiant doit connaître des attentes qui ne sont pas nommées. Utiliser des grilles d’évaluation pour donner des rétroactions. Souligner des éléments positifs précis (ne pas en rester à des remarques sur les qualités personnelles). Proposer des pistes d’amélioration, des défis et des moyens pour les relever (ne pas souligner les erreurs, les faiblesses). Distinguer plusieurs étapes dans la réalisation du travail et donner des rétroactions pour seulement une étape et la suivante. Offrir la possibilité de mettre en place des améliorations dans une nouvelle version de la tâche à accomplir, jusqu’à ce que l’apprentissage soit complété. Souligner des éléments qui peuvent être réinvestis dans des apprentissages ultérieurs. Si les rétroactions sont par écrit, rédiger les commentaires dans un registre de langue approprié aux étudiants. Cibler l’apprentissage et non la personne (éviter le jugement, par exemple : « il est clair que tu n’as pas fourni les efforts nécessaires ». Poser des questions pour amener l’étudiant à reconnaître lui-même les aspects positifs de son travail et les actions à entreprendre pour l’améliorer ou pour avancer dans son apprentissage. Demander aux étudiants de cibler des passages pour lesquels ils souhaitent recevoir des rétroactions. Demander aux étudiants de commenter les rétroactions et identifier ce qu’ils ont compris. Ne pas donner trop de rétroactions à la fois. Par exemple, identifier deux aspects positifs du travail et deux conseils précis pour l’améliorer. Inviter l’étudiant à s’approprier les rétroactions en jugeant lui-même de leur pertinence et en les adaptant à ce qu’il perçoit lui-même comme moyens d’améliorer son travail. Références : Prégent et coll., 2009; Svinicki & McKeachie, 2011 Liste des références : Allal, L. (2007). Évaluation : lien entre enseignement et apprentissage. Dans V. Dupriez et G. Lachapelle. Enseigner. Paris : PUF (pp. 139-145). Allal, L. (2008). Évaluation des apprentissages. Dans A. Henriot-van Zanten. Dictionnaire de l’éducation. Paris : PUF (pp. 311-314). Angelo, T. et Cross, P. (1993). Classroom Assessment Techniques: A Handbook for College Teachers. San Francisco : Jossey-Bass Publishers. Biggs, J. (2006). Teaching Teaching and Understanding Understanding. Prod. Claus Braband et Jacob Andersen. University of Aarhus : Daimi Edutainment. DVD, 18 minutes 45 secondes. Durand, M.-J. (2008). La démarche d’évaluation dans une approche basée sur le jugement professionnel. Vie pédagogique, 148. Document repéré à http://mels.gouv.qc.ca/sections/viepedagogique. Groupe ECEM (2011). Élaboration d’une grille d’évaluation – présentation. Université du Québec. Document repéré à pedagogie.uquebec.ca/repertoire Legendre, R. (1993). Dictionnaire actuel de l’éducation. Montréal et Paris : Guérin et Eska. Prégent, R., Bernard, H. et Kozantis, A. (2009). Enseigner à l’université dans une approche-programme. Guide à l’intention des nouveaux professeurs et chargés de cours. Montréal : Presses internationales Polytechnique. Svinicki, M. et MacKeachie, W. (2011). McKeachie’s Teaching Tips. Thirteenth Edition. Belmont : Wadsworth, Cengage Learning.