Objet et Méthode
(Objet et Méthode)

Master I / Didactique et Culture des Langue

Objet et méthode de la didactique / 2020-2021

 

Principes de la séquence didactique

- Quels sont les fondements théoriques qui sous-tendent le dispositif de la séquence didactique ?

- Quelles sont les implications pratiques qu’implique l’enseignement/apprentissage par ce dispositif ?

Les différentes définitions données par les auteurs au concept de séquence didactique, nous amènent à dégager les fondements de cette démarche. Nous pouvons en effet, retenir le retour fréquent, dans les écrits qui en traitent, de nombreux principes dont principalement les dix principes que nous traiterons dans ce qui suit.

1.La répartition des contenus d’un programme par « leçons » (on parle aussi d’entrée par leçon), qui a caractérisé les méthodologies traditionnelles, a été sévèrement critiquée. Cette logique a été remplacée dans un premier temps par celle d’unité didactique, puis par celle de séquence didactique : « Dans l’enseignement actuel des langues, la notion d’unité tend à remplacer celle de "leçon". Alors que dans la leçon le temps détermine souvent le contenu, dans l’unité didactique c’est le contenu qui détermine le temps ; l’unité didactique n’a pas de durée préétablie : elle déborde presque toujours le cadre de la période ou de l’heure pour s’étaler sur 2, 5, 7 ou 10 heures …, ce qui présente l’avantage d’éviter les cours trop chargés ou trop dilués » (R. Galisson & D. Coste, 1976 :577-578). G. Vigner (2004) explique que même si l’on ne peut pas négliger la présence de pratiques héritées d’un « travail organisé de façon dissociée (…) : lecture, orthographe, élocution, grammaire, expression écrite, conjugaison, etc. », l’un des moyens les plus utilisés pour organiser les contenus, aussi bien dans l’enseignement/ apprentissage du FLE que dans celui du FLS reste, néanmoins, celui de l’unité ou séquence didactique.

2.La séquence didactique fait partie des dispositifs d’enseignement/apprentissage qui favorisent la centration sur l’apprenant. Pourquoi ? La logique qui sous-tend l’enseignement par leçons est celui de la centration sur les contenus, ou en d’autres termes sur le savoir, et donc dans le cas qui nous concerne sur « la langue ».

Il s’agit notamment d’une focalisation sur la compétence linguistique. De cette logique découle par exemple la progression du « simple au complexe ». Ce n’est pas le cas de l’enseignement par séquence : son objet est de l’ordre du communicatif et devrait être choisi en fonction des besoins des apprenants. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que le développement de la séquence didactique a coïncidé avec l’avènement de l’approche communicative, dont l’un des fondements est justement la centration sur l’apprenant.

De Pietro et M. Matthey (2000 : 5) expliquent à ce sujet que « Pour se dérouler de manière optimale, elle [la séquence didactique] doit s'inscrire à la fois dans un projet de communication et un projet d'apprentissage. Le projet de communication répond aux besoins de mise en contexte d'une activité, afin que celle-ci ait un sens. Cette mise en contexte est particulièrement importante chez les jeunes apprenants pour qui l'école est parfois le lieu par excellence des activités sans signification ».

3.La séquence didactique fait partie des dispositifs qui favorisent l’apprentissage actif aux dépens de l’apprentissage transmissif et de l’apprentissage par cœur. Chartrand & Gauvin Fiset (2007 : 03) affirment à ce sujet qu’«une séquence didactique consiste en une suite organisée, hiérarchisée et finalisée d’activités d’apprentissage (et non d’évaluation) ». Elles ajoutent que « Chaque activité (…) privilégie les démarches actives et réflexives, qui mettent l’élève en action et exigent de lui une participation consciente. L’enseignant qui pilote une séquence doit donc revoir son rôle en conséquence et comprendre qu’il doit désormais intervenir, à titre d’organisateur, d’entraineur et de médiateur entre les connaissances à acquérir et l’élève ».

4.Le rejet de l’enseignement par la « leçon », au profit de l’organisation des contenus d’un enseignement/apprentissage fondé sur la logique de la séquence didactique entraine, entre autres, la nécessité de sélectionner les contenus en fonction de l’objectif visé par la séquence, en fonction des compétences concernées. Cette conception est au cœur de la définition même de la séquence. La séquence didactique organise sur un ensemble de séances des activités de lecture et d'écriture visant à faire acquérir à des élèves clairement identifiés un certain nombre de savoir et de savoir-faire préalablement définis. On explique également que chaque séquence didactique s’organise à partir d’un projet d’appropriation des dimensions constitutives du genre. Chartrand et Gauvin Fiset (2007 : 03) précisent, quant à elles, que « chaque activité comporte un objectif spécifique précis, qui concourt à l’atteinte de l’objectif général de la séquence ».

5.Si quelques rares chercheurs recommandent aujourd’hui encore L'apprentissage différencié des quatre aptitudes, de nombreux autres spécialistes rejettent cette recommandation et prônent l’apprentissage intégré des compétences. La séquence didactique favorise énormément la diversité des compétences. Ni l’oral et l’écrit, ni compréhension et l’expression, ne sont dissocié(e)s. L’un des critères d’évaluation de la rentabilité d’une séquence didactique réside justement dans le nombre de compétences qu’elle vise à développer chez les apprenants.

6.Une séquence didactique est un ensemble de divers contenus visant le développement de compétences relevant de plusieurs domaines et sous-domaines de la langue. Ils relèvent de plusieurs domaines, d’une part, parce qu’ils concernent, aussi bien la compréhension que l’expression, voire même l’oral que l’écrit, et d’autre part, parce qu’ils touchent à la fois à l’orthographe, au vocabulaire, à la grammaire, etc. Par ailleurs, ces contenus peuvent toucher, dans le même domaine, à plusieurs sous-domaines : on peut travailler dans la même séquence la ponctuation et les articulateurs du discours ; le vocabulaire de la cause et de la conséquence et celui des procédés d’explication ; …). Une séquence didactique présente un parcours d’apprentissage dont la visée est fixée par des objectifs définis d’abord en termes de compétences (orale/ écrite), puis en termes langagiers (actes de parole), linguistiques (…), culturels et dont les contenus et les activités obéissent, le plus souvent, à la logique d’un schéma ternaire : compréhension, systématisation (lexicale et syntaxique), et production.

7.Si une séquence didactique se caractérise par la diversité des contenus qu’elle permet de travailler, cette diversité implique néanmoins une cohérence globale, qui est préalable à leur sélection. Les activités doivent entretenir entre elles un rapport de cohérence méthodologique qualifié de logique-cognitif. Un rapport qui implique que le choix des activités se fait en fonction de l’objectif de production visé : opter, par exemple, pour les moyens permettant d’exposer un point de vue, de s’opposer, ou d’approuver le point de vue de l’autre, si l’on travaille un débat. Ainsi, on risque de déboucher sur ce que Courtillon appelle le « zapping pédagogique », ou enchaînement d'activités qui n'ont d'autres finalités que de répondre au plaisir de l'apprenant sans viser un réel apprentissage ; et on estime enfin qu’une séquence ne doit être ni trop courte, pour permettre l’acquisition, ni trop longue pour que les objectifs fixés ne se perdent pas.

De fait, l’un des principaux avantages qu’offre le travail par séquences didactique réside justement dans le fait qu’il permet la coexistence de contenu différents, mais sans que leur choix soit anarchique ou éclectique. C’est à la séquence qu’il revient de favoriser la coexistence organisée d’activités diverses et décloisonnées, mais qui sont toutes associées.

Le dispositif de la séquence didactique permet d’éviter de tomber dans le piège de l’éclectisme. Car à notre époque où le besoin de diversité s’appelle "éclectisme", certains courent le risque d’oublier que tout apprentissage suppose une méthode.

8.Une séquence didactique doit entretenir un lien direct avec le projet didactique et, si possible, avec le projet-apprenant. Pour que les étudiants lui donnent du sens et soient motivés, elle devrait alimenter les deux types de projets. Un projet est souvent alimenté par plusieurs séquences : la séquence didactique est l’élément de base indispensable du projet pédagogique.

9.On distingue, généralement, deux types d’organisation : une entrée par les contenus (appelée aussi grammaticale) et une entrée par les discours. C’est la deuxième qui caractérise les nouvelles approches. Les contenus de la langue peuvent, être présentés soit sous forme d’un découpage grammatical soit suivant une répartition discursive. La première manière est abandonnée avec l’abandon de la méthode grammaire traduction. Elle consiste à « mettre en évidence la structure de la langue en l'ayant préalablement découpée en mini-énoncés », alors que la deuxième manière implique l’exposition de l’étudiant à un certain volume de discours d'une complexité donnée pour qu'il puisse l'observer et en comprendre l'organisation. L’appropriation du discours, avec la première démarche, est censée se faire à partir d'éléments d'un puzzle dont on ne connaît pas le tableau d’ensemble , ce qui est très difficile ; alors que l’autre démarche, qui consiste à dégager les éléments du puzzle à partir du tableau d'ensemble que constitue le discours, est possible et stimulante. Il s’avère que beaucoup ne réussissent pas le passage de la compréhension du système à l’appropriation du discours, mais qu’acquérir le discours en dégageant simultanément et progressivement les règles de la langue est un processus naturel qui implique l'apprenant.

Dans une séquence didactique on n’enseigne pas la phrase, mais le texte. Dans la démarche séquence didactique, le travail s'effectue toujours sur le texte (entendu ici comme produit matérialisé (écrit ou oral) des pratiques langagières des locuteurs) et non sur la phrase. Ainsi, grâce au dispositif de la séquence didactique, on est passé des programmes à entrées ou progressions grammaticales, qui caractérisent les méthodologies traditionnelles linguistiques ou lexicale/thématique (la salle de classe, la cour, la maison, etc.) à des progressions orientées vers la communication, par acte parole (Saluer, accueillir, remercier, présenter ses excuses, présenter ses condoléances, protester, inviter, se présenter, etc.).

10.Comme nous venons de le souligner, la séquence didactique porte sur du texte. Le but principal d’une séquence didactique est de travailler un genre de texte utilisé dans une situation de communication donnée. On a recommandé, notamment à partir des années 80 du siècle précédent, d’articuler les séquences didactiques autour des types de textes (argumentatif, explicatif, narratif, prescriptif, etc.) ou de compétences (Participer à un débat, réaliser une campagne d’information, réaliser une campagne publicitaire, etc.).

Actuellement de nombreux didacticiens recommandent de concevoir des séquences didactiques fondées sur la logique des genres textuels (Le fait-divers, le reportage, la publicité, le dépliant touristique, le CV, le PV, la lettre administrative, le message électronique, le SMS, etc.) et d’abandonner donc les séquences fondées sur les types de textes, jugées très peu rentables didactiquement. Ce constat est largement partagé aujourd’hui. J.-M. Adam, qui n’hésite pas déclarer : « En dépit de ce que j’ai pu écrire encore au début des années 1980, sous l’influence des travaux anglo-saxons, pour moi, d’un point de vue épistémologique et théorique, le concept de types de textes est plus un obstacle méthodologique qu’un outil heuristique. (…). Je conclurai en insistant sur le fait que les classements par les genres me paraissent plus pertinents. Le croisement des grandes catégories de la mise en texte dominante et des genres de discours présente un intérêt non négligeable, comme je l’ai dit plus haut » (Adam, 2005 :22).

Ainsi, on définit actuellement la séquence didactique comme un ensemble d’activité qui doivent s’articuler autour de l’enseignement d’un genre. Une "séquence didactique" est un ensemble d'activités scolaires organisées de manière systématique autour d'un genre de texte oral ou écrit.