Pour J.M Hoc (1987), une représentation c’est « la possibilité qu’a un système cognitif de disposer des caractéristiques d’un objet en son absence ». La notion de représentation traduit cette aptitude de l’esprit à rendre présent ce qui ne l’est pas, elle renvoie au réfèrent interne d’un objet extérieur. C’est-à-dire à l’image que l’on se fait ou l’idée que l’on a d’un objet ou d’un concept.
Ces définitions ont pour commun de contester la césure sujet-objet, et d’obéir au postulat selon lequel la réalité objective n’existe pas. Comme le précise Abric (1994) « Un objet n’existe pas en lui-même, il existe pour un individu ou un groupe et par rapport à eux ». (p.69, cité par, Mannoni, p.69). Ainsi toute réalité est représentée, c'est-à-dire
« appropriée par l’individu ou le groupe, reconstruite dans son système cognitif, intégrée à son système de valeurs dépendant de son histoire et du contexte social qui l’environne, et c’est cette réalité appropriée et restructurée qui constitue pour l’individu ou le groupe la réalité même ».
« Les sujets n’abordent pas une situation de manière neutre et univoque » (Abric, 1989, p.195, cité par, Mannoni, 2008, p.70) mais la perçoivent selon leur système de pensées, leurs valeurs, et l’appréhendent selon les différents contextes personnels, sociaux, organisationnels et culturels qui les environnent.
Ainsi, les représentations sont les données subjectives qui constituent l’univers mental des individus. Celles-ci ne sont jamais définitives, elles évoluent à mesure des expériences et des apprentissages, même si elles se rigidifient avec l’âge. Ce sont elles qui régissent la relation d’un être à son environnement et qui dirigent ses comportements et pratiques. Par exemple les comportements sociaux d’un individu dépendent de ses représentations de la citoyenneté, de la solidarité, de la communauté…etc.
Deux composantes découlent de ces définitions des représentations sociales : une composante cognitive et une autre sociale, c’est pourquoi l’on parle de système sociocognitif ou de « constructions sociocognitives » (Abric, 1994), et c’est la coexistence de ces deux logiques qui peuvent être différentes, qui explique qu’une représentation sociale peut contenir des contradictions apparentes et intégrer à la fois du rationnel et de l’irrationnel (Abric, 1994).
Caractéristiques objectives de l’objet |
Expériences antérieures du sujet |
Système d’attitudes, des valeurs et des normes de la société |
Fonction de savoir
Comprendre et expliquer la réalité |
Fonction identitaire
Définir et sauvegarder la spécificité des groupes |
Fonction d’orientation
Guider les comportements et les pratiques |
Fonction justificatrice
justifier les prises de position et les comportements |
CHAPITRE 2 Bis
Chapitre 2 Bis
3.1 Le langage comme outil d’élaboration des représentations sociales..................... 26
3.2 Le langage comme objet des représentations sociales............................................... 26
La notion de représentation sociale implique la mobilisation de la cognition, du langage, de la communication et du fonctionnement du système social, des groupes et des interactions. Une représentation sociale est donc collectivement produite grâce à un processus de communication collective. Ce processus ou ces communications collectives ne peuvent se faire sans le langage. Plus précisément elles se font grâce au langage et sont médiatisées par le langage qui inscrit les communications collectives d’un groupe social donné dans une culture spécifique, avec ses codes verbaux et non verbaux, ses normes, ses références et ses valeurs. En effet, les représentations se structurent et s’expriment par le langage, au travers d’un contenu discursif. C’est un système sociocognitif et contextualisé. Dans ce sens Herzlich précise que dans les relations entre représentation sociale et langage, il importe de souligner que « l’appréhension d’un objet social est inséparable de la formation d’un langage le concernant. »
Si le langage occupe une place aussi déterminante dans les constructions sociocognitives, c’est parce que « La spécificité de l’activité cognitive humaine est non pas de s’exercer directement sur l’objet, mais d’être médiatisée par des outils sémiotiques (le langage en particulier) qui sont socioculturellement construits. » (Grossen, Liengm- Bessire et Perret-Clermont, 1997, p. 234). En effet, « le langage n’est pas seulement un instrument de communication, c’est aussi un ordre symbolique où les représentations, les valeurs et les pratiques sociales trouvent leur fondement. » (Ladmiral et Lipinsky, 1989).
« En même temps que nous apprenons une langue, nous accédons à des points de vue ancrés dans cette langue. » (Clémence, 2003, p.394).
Le langage, en général, et plus précisément la langue maternelle occupe une place centrale dans la transmission de notre héritage culturel avec notamment sa fonction de médiation qui permet à chacun d’entre nous de fonder « ses perceptions du monde au travers de sa culture et des croyances qu’elle véhicule et qui lui sont transmises par ses parents et la société dans laquelle il se développe » (Hamon , 2005, p.224).
La langue, " comme tout fait de culture, est l’objet de multiples représentations et attitudes individuelles, collectives, positives ou négatives, au gré des besoins et des intérêts. Ces représentations qui trouvent leur origine dans le mythe ou la réalité du rapport de puissance symbolique, dictent les jugements et les discours, commandent les comportements et les actions ». Pour Desbois et Rapegno (1994 : 3-4). Autrement dit, c’est
«L’ensemble des images que les locuteurs associent aux langues qu’ils pratiquent, qu’il
s’agisse de valeur, d’esthétique, de sentiment normatif ou plus largement métalinguistique ». Sonia Branca-Rosoff (1996 : 79)
Ce sont les travaux portant sur "ses représentations, ses images et attitudes" qui enrichissent le vaste domaine des représentations sociolinguistiques. Celles-ci sont intéressantes parce qu’elles permettent de mettre à jour les raisonnements qui fondent les opinions des individus et qui guident leur conduites, exemple : valorisation ou dévalorisation d’une langue, motivation ou démotivation dans l’apprentissage d’une langue…etc.
Il existe de très nombreux travaux sur les représentations sociales des langues en Algérie, notamment sur les représentations de la langue Amazigh ; du dialecte algérien (Chachou, I. 2008) ; et de la langue française (Taleb-Ibrarimi, K. 1995).