« Peu à peu, la mémoire m’est cependant revenue. Ou plutôt je suis revenu à elle, et j’y ai trouvé le souvenir qui m’attendait » (la chute, Camus)
La mémoire a un rôle primordial. C’est l’unité centrale du traitement de l’information, elle permet l’apprentissage de nouveaux savoirs, et rend disponibles les connaissances du passé. Elle est définie comme la capacité à encoder, à stocker et à récupérer des informations que ce soit « partiellement ou totalement, de façon véridique ou erronée.» (Piaget, cité dans Raynal & Rieunier, 2007, p. 221).
Aujourd’hui, les spécialistes ne considèrent plus la mémoire comme une seule entité, mais comme de multiples systèmes de mémoire ; ils distinguent entre la mémoire sensorielle à très court terme ; la mémoire de travail à court terme ; et la mémoire à long terme.
Information» (Le magique nombre sept, plus ou moins deux : quelques limites à notre capacité de traitement de l’information).
Dans l’une de ces nombreuses expériences, la consigne était simple, elle consistait pour les sujets à se rappeler des séquences d’items dans l’ordre exact dans lequel elles leur ont été présentées. Par exemples : PRFCNTA, JRDNF, ZMNDRFAGC…etc.
Les sujets ne pouvaient se rappeler sans commettre d’erreurs que les séquences comportant 7 items plus ou moins deux. On appelle cet exercice la tâche de l’empan mnésique, l’empan mnésique étant le nombre exact d’éléments que les individus peuvent immédiatement se rappeler à partir d’une séquence d’éléments. Cette capacité reste invariable avec des lettres, des chiffres, des mots, des images etc.
Pour dépasser cette limite, Miller a souligné l’importance du recodage, pour former des catégories, la catégorisation permettant d’augmenter le nombre d’éléments récupérables. Par exemple, il est moins aisé de se rappeler cette série de lettres : TPC- MDN-CRIA-OIPM que la suivante : UMC-CEIL-LMD-SHS, d’autant plus pour un étudiant de l’université de Constantine pour qui cette série de lettres forment des abréviations connues, c’est-à-dire qui sont stockées en tant qu’unités dans la mémoire à long terme. En d’autres termes, le sujet à retenu 4 unités au lieu de 13 (nombre d’unités présentées). C’est pourquoi Miller considérait que la capacité de la mémoire à court terme devait être mesurée en catégories plutôt que selon des éléments isolés.
Ainsi, la cause essentielle des différences de mémoire chez les individus tient à l’efficacité avec laquelle ils parviennent à grouper des objets dans des catégories familières. Aussi, il y a la stratégie de regroupement (chunking strategy) qui consiste à traiter les unités à mémoriser non pas de manière individuelle, mais en les considérant comme des groupes, c’est ce que nous faisons pour retenir un numéro de téléphone, on ne code pas les chiffres un par un mais par groupes de deux ou de trois. Ces stratégies permettent d’augmenter sensiblement la capacité de la MDT.
La MDT ne sert pas à enregistrer de manière passive des informations mais à maintenir à court terme des éléments en vue d’une synthèse. Par exemple, pour effectuer
mentalement une multiplication comme 205 × 4, la MDT nous permet de retenir ces chiffres le temps de retrouver les sous résultats de 5 × 4 et 2 × 4 qui sont stockés en mémoire à long terme.
La mémoire à long terme n’est pas un système unitaire, plusieurs chercheurs distinguent entre mémoire implicite, dite non-déclarative et mémoire explicite, dite déclarative.
a) La mémoire implicite (non-déclarative) intervient lorsque nous utilisons des informations que nous avons préalablement stockées sans que cela ne passe par la conscience. La mémoire implicite permet la réalisation de tâches perceptivo-motrices et cognitives automatisées comme la lecture d’un texte ou la conduite d’un véhicule, c’est la mémoire des automatismes, du « savoir-faire ».
Lorsque nous apprenons une nouvelle habilité, cela requiert un effort cognitif plus ou moins intense (selon le degré de complexité de la tâche) mais cet effort tend à diminuer à mesure que nous nous exerçons, que nous nous perfectionnons. Des études prouvent que la mémoire procédurale ne fonctionne de manière autonome que lorsqu’une procédure est totalement automatisée, avant cela il y a nécessairement l’intervention d’autres types de mémoires. L’imagerie cérébrale confirme cela, durant l’apprentissage, c’est la région frontale impliquée dans la mémoire déclarative qui est activée, puis, il y a un basculement progressif de cette activation vers les régions postérieures : le cervelet, les ganglions de la base et le thalamus (Beaunieux, H. 2009).
b) La mémoire explicite (déclarative) est sollicitée pour la recherche consciente et intentionnelle d’informations préalablement stockées, par exemple pour se rappeler le titre d’un film vu la veille, se souvenir de la date d’anniversaire d’un ami, chercher le résultat d’une multiplication…etc. La mémoire explicite se subdivise en mémoire épisodique et mémoire sémantique (Tulving, 1972, 1983, 1985).
b1) La mémoire épisodique est une mémoire autobiographique (mémoire affective), elle concerne les évènements personnels.
b2) La mémoire sémantique est une mémoire encyclopédique, elle contient des connaissances factuelles, des concepts, des lois, des règles…etc.
Plusieurs critères ont été utilisés pour distinguer entre les différents types de mémoires qui existent, ce sont ; la durée de stockage des informations (mémoire sensorielle, mémoire de travail et mémoire à long terme) ; le type d’informations stockées (mémoire épisodique et mémoire sémantique) ; l’état de conscience (mémoire implicite et mémoire explicite) ; et enfin la localisation cérébrale.
2.1.2 L’ORGANISATION DES CONNAISSANCES
Pour dépasser les limites contraignantes, liées à la mémoire, qui réduisent les performances dans de nombreuses tâches cognitives Plusieurs processus existent, celles-ci ont été mises en évidence grâce à de nombreuses recherches expérimentales
Expérience : Gordon wood (1969) un groupe apprend en trois essais 54 mots d’une liste groupés en 18 catégories, et le groupe contrôle apprend les mots mélangés.
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Essais |
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1 |
2 |
3 |
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Mots groupés |
17 |
28 |
39 |
Mots au hasard |
11 |
20 |
29 |
Expérience : Bower, Clark, Winzenz et Lesgold (1969) Les participants à cette expérience ont vu quatre hiérarchies, chacune contenant 28 mots. Un groupe de sujets, sous la condition « organisé » a étudié les quatre hiérarchies pendant 1 minute chacune, ils ont ensuite tenté de se rappeler les 112 mots dans l’ordre de leur choix. L’étude et les épreuves de rappel étaient effectuées à trois reprises
Un autre groupe de sujets sous la condition « aléatoire » voyait les mêmes 112 mots, insérés de façon aléatoire dans quatre hiérarchies.
Expérience : Holley et Dansereau (1984) des étudiants ont suivi une formation à la construction de réseaux sémantiques de différents matériels. Ces étudiants et un groupe contrôle devaient étudier un passage de 3000 mots extraits d’un traité scientifique de base sur lequel ils étaient ensuite testés, les étudiants qui avaient élaboré des réseaux sémantiques de ce matériel ont significativement mieux réussi une épreuve de question réponse et une dissertation portant sur ce passage que les étudiants du groupe contrôle
Expérience : Lieury, Guého et Gaumont (1997) ont travaillé avec des enfants de 7 et 10 ans. Une petite liste de 8 mots ou dessins est présentée lentement (5 secondes) à trois groupes d’enfants selon trois conditions. Les mots sont présentés soit visuellement (écrits sur un carton), soit auditivement (dictés), soit sous forme de dessins, c’est-à-dire également visuellement.
La supériorité de l’image sur le mot tout comme celle des mots concrets sur les mots abstraits a été établie par plusieurs chercheurs. Selon A. Paivio (1971) cela s’explique par le fait que les mots concrets contrairement aux mots abstraits évoquent des images mentales, ainsi le matériel à mémoriser est encodé à la fois sous une forme verbale et imagée, ces deux codes mnémoniques constituent deux voies d’accès à l’information stockée et offrent donc plus de chances de la récupérer, c’est la théorie du double codage.
5.1 Apports de la psychologie cognitive à l’enseignement-apprentissage.................. 36
Dans ce chapitre, l’objectif global consiste à prendre connaissance des liens qui existent entre la psychologie d’une part et la pédagogie et la didactique d’autre part.
A la fin de ce chapitre, les étudiants seront capables de :
Exemple : les étudiants seront capables d’élaborer des stratégies pour améliorer la gestion de leurs ressources attentionnelles (à partir ce de qu’ils auront appris dans le cours sur l’attention)
Exemple : les étudiants seront capables de prendre en considération le fonctionnement de la mémoire dans l’élaboration d’un cours (organisation des connaissances : réseaux sémantiques, cartes
La psychologie, par ses préoccupations quant à la compréhension du fonctionnement mental et de l’intelligence humaine, a beaucoup de conséquences sur l’enseignement et l’apprentissage.
Dans ce chapitre nous allons voir l’influence qu’à eut la psychologie cognitive sur l’enseignement et l’apprentissage.
En psychologie cognitive, l’enseignement et l’apprentissage sont considérés comme des activités de traitement de l’information où l’accent est mis sur la construction du savoir ainsi que sur les stratégies cognitives et métacognitives qui facilitent cette construction. L’objectif majeur étant plus que le simple apprentissage, le développement d’une pensée autonome et efficace.
Cette conception a largement prouvé son efficience et son influence sur les pratiques éducatives qui s’est franchement accrue ces dernières années, elle marque aujourd’hui de plus en plus fortement les choix pédagogiques et didactiques.
Dans son ouvrage "Pour un enseignement stratégique : l’apport de la psychologie cognitive" Jacques Tardif (1992) présente les cinq principes de base qui caractérisent l’apprentissage dans la conception cognitive, nous allons les développer dans les lignes qui suivent :
L’apprentissage est une construction personnelle, l’apprenant ne reçoit pas de manière passive les informations qui lui sont présentées, bien au contraire il les construit activement, en sélectionnant celles qui lui semblent pertinentes, en déduisant des règles à partir de situations rencontrées dans son environnement…etc. En effet, selon les variables individuelles qui les caractérisent, les apprenants ne font pas la même utilisation des stratégies cognitives et métacognitives, ils ne se représentent pas les connaissances de la même manière, et leur production d’inférence c’est-à-dire leur raisonnement est dissemblable. Autrement dit, ils n’ont pas la même façon d’apprendre et de structurer les connaissances acquises, cela étant essentiellement dû au style cognitif qui est « la façon
propre à chacun de percevoir, d’évoquer, de mémoriser et donc de comprendre l’information perçue ». (Flessas, 1997, cité dans Onursal Ayirir, 2011, p. 47).
Partant de ce principe, l’apprenant n’est plus considéré comme un récepteur des connaissances qui lui sont prodiguées par l’enseignant, mais comme un sujet qui élabore des savoirs nouveaux en collaboration avec celui-ci. Il est de ce fait fortement impliqué dans la situation pédagogique.
Dans l’apprentissage, un rôle prépondérant doit être accordé aux connaissances antérieures, parce que plus une information trouve des connaissances préalables auxquelles se rattacher dans la mémoire à long terme, et plus grande sera la probabilité de l’assimiler et la mémoriser. Un des mécanismes de l’apprentissage qui s’appuie sur ce principe est la création de connaissances par analogie, auquel plusieurs recherches en psychologie cognitive se sont consacré à la fin des années 70 (Goswami, 1990 ; Nguyen- Xuan, A. 1990). L’idée de base est qu’une nouvelle connaissance (situation-cible) peut être apprise en l’assimilant à une connaissance que le sujet possède déjà (situation- source) lorsqu’elles présentent des ressemblances, c’est-à-dire des analogies, puis il s’agit de transférer des aspects de la situation-source à la situation-cible. C’est une pratique courante dans le domaine de l’enseignement.
Souvent, les nouvelles connaissances viennent consolider celles déjà acquises, mais il arrive parfois que celles-ci viennent nuancer ou même annuler certaines connaissances établies. Dans ce cas, la difficulté de désapprendre, de renoncer à ces acquis nécessitera une négociation cognitive.
Cette démarche s’apparente fortement au transfert des apprentissages.
Organiser les connaissances c’est regrouper les savoirs par domaines d’étude, des objets selon leurs caractéristiques distinctives, c’est classer des faits selon leur périodicité, partir du simple pour aller vers le complexe…etc. L’organisation, qu’elle se fonde sur les critères thématique, périodique, de difficulté ou autre, est essentielle dans le processus d’apprentissage, puisqu’en structurant le savoir elle facilite son acquisition. Mieux seront organisées les connaissances stockées en mémoire à long terme, plus facile il sera de les récupérer. « L’organisation est un trait caractéristique de l’expertise cognitive ».
Aussi importantes que les connaissances générales, sont les compétences transversales ou les habilités transférables (les "key skills" en anglais). Elles sont applicables dans tous les domaines de connaissances (transférable d’une discipline à une autre). Il s’agit de l’aptitude à l’organisation, l’esprit de synthèse, la concentration…etc. La psychologie cognitive insiste sur le fait que « L’enseignant doit non seulement intervenir dans le contenu lui-même, mais encore dans le développement de stratégies cognitives et métacognitives, efficaces et économiques, qui vont permettre à l’élève d’interagir d’une façon significative avec ce contenu » (Tardif, 1992, p. 297).
Selon la conception cognitive de l’enseignement-apprentissage, il faut distinguer entre trois catégories de connaissances ; les connaissances déclaratives, procédurales, et conditionnelles.
Castellotti, V & Moore, D. (2002). Représentations sociales des langues et enseignements. Conseil de l’Europe : Strasbourg.
Lempen, O & Roman, P. (2017). « Le travail des limites dans le processus d’écriture. Exploration dans la création littéraire et en atelier d’écriture », Cliniques méditerranéennes, n° 96, p. 107-121.
Kamieniak, J-P. (2011). « Freud, la psychanalyse et la littérature », le coq-héron, n°204, p. 64-73.
Lieury, A. (2005). Psychologie cognitive en 35 fiches: des principes aux applications. Paris: Dunod
Lieury, A. (Dir) (2010). Manuel visuel de psychologie pour l'enseignant. Dunod: Paris.
Raynal, F. & Rieunier, A. (2007). Pédagogie : Dictionnaire des concepts clés. (6è éd). ESF éditions.
Reed, K.S. (1999). Cognition, théories et applications. (T. Blicharski & P. Casenave-Tapie, Trad.) Bruxelles : De Boeck Université. (Œuvre originale publiée en 1996).
Tardif, J. (1992). Pour un enseignement stratégique : L’apport de la psychologie cognitive. Montréal : Éditions Logiques.